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'España: Los trabajadores deben liquidar la Guardia Civil!' (Le Bolchévik)

Tankeak Valentzian (Herrialde Katalanak)

Espagne: Les travailleurs doivent liquider la garde civile!

La tentative de coup d'Etat
(du 23 février 1981)

LE BOLCHEVIK nº24

28 mars — Le 23 février, 200 gardes civils, l'arme au poing, ont fait irruption dans le Parlement español á Madrid. Avec a leur tete un ultra du franquisme brandissant son pistolet, ils ont pris tous les parlementaires en otage. Mais ce coup de théátre n'était que le siñal d'une tentative de putsch de bien plus grande envergure. Pendant que les éléments de la división blindée Brúñete (l'unité la plus puissante de l’armée espagnole) occupaient des bátiments de la radio et de la televisión á Madrid, le centre de la ville de Valence [València]  était envahi par des blindés sous les ordres du general Milans del Bosch, le gouverneur militaire qui avait decreté l'état d'exception.

Le gros de l'armée a cependant suivi l'ordre du gouvernement de rester dans ses casernes, et les gouverneurs militaires des autres provinces ne se sont pas ralliés a l'exemple de Del Bosch. Le general Armada, ex-chef d'état-major et selon toute vraisemblance véritable dirigeant du putsch, avait échoué dans son effort de gañer le soutien du roi Juan Carlos, malgré ses liens personnels de longue date avec le monarque. A l'heure du message televisé du roi, tót dans la matinée, il était clair que la tentative de Coup d'Etat avait manqué son but. Del Bosch donna l'ordre á ses tanks de quitter les rúes ; et Tejero resta seul pour négocier une "reddition honorable" .

Le roi Juan Carlos , nommé par le défunt dictateur, est encensé comme sauveur de la "démocratie españole" . Mais le fait que le golpe (putsch) n'ait pas été desarmé avant 1' intervention du monarque confirme que ce dernier n'est pas une simple potiche, mais qu'il est le commandant supreme des forces armées. Pour cette fois, il a ordonné a l'état-major d'appuyer le gouvernement civil. Demain, l'autorité nécessaire au roi pour imposer ou donner son aval á un régime du type "Etat fort" sera grandement accrue.
L'armée a á maintes reprises suggéré discrétement, ou menacé ouvertement, qu'elle balayera le chétif Parlement si la gauche se renforce ou si les terroristes nationalistes basques demeurent actifs. La "démocratie españole" pourrait alors aisément subir une transformation bonapartiste , car les sinistres forces des institutions antidémocratiques de la dictature franquiste n'ont jamáis été extirpées. Gardez-vous des rois qui décommandent des complots!

L'aspect peut-étre le plus dangereux de l'étrange tentative de coup d'Etat aux Cortes est que la classe ouvriére n'est pas intervenue. L'armée est restée dans ses casernements ,tandis que la pólice nationale armée — les grises , pas moins redoutables que la garde civile — encerclait le Parlement. Les syndicats et les partis de masse de la classe ouvriére, notamment le PCE eurocommuniste de Santiago Carrillo et le PSOE social-démocrate de Felipe Gonzalez, ont ordonné aux masses de rester chez elles. Ils ont pré-tendu que ce n'était qu'"un incident isolé, qui ne bénéficiait apparemment pas du soutien des forces armées". Qu'auraient du faire les travailleurs, alors ? Attendre une tentative sérieuse de coup d'Etat, pour étre acueillis par le tir nourri de militaires determinés et unis ? Cette politique de crétinisme parlementaire est un programme de défaite sanglante. Souvenons-nous de 1936!


Les complots du 23 février

II semble que presque tout le monde était au courant des préparatifs de coup d'Etat. Le rapport officiel du ministre de la défense declare tout de go que le gouvernement savait depuis la fin de l'année derniére qu'un grand coup d'Etat était en préparation. Il y a méme eu des appels ouverts á la rébellion du journal réactionnaire El Alcázar. Mais cela n'empeche pas que tout le monde a attendu paralysé.

Le magazine monarchiste-conservateur ABC appelle la tentative de coup d'Etat aux Cortes "la pointe de 1'iceberg" et explique qu'il y avait en fait trois complots separés : un premier envisageant un coup de forcé violent ; un deuxiéme envisageant une prise de pouvoir négociée avec l'accord du roi ; et un troisiéme qui avait pour but de pousser le gouvernement actuel fortement á droite. D'autres exposés font mention d'un "plan Delta" sur une grande échelle projeté pour le printemps. II y a aussi une possible "American connection". En tous cas, il semble que la tentative de putsch du 23 février se proposait de profiter en toute hate du vide politique causé par la brusque démission du premier ministre Adolfo Suarez.

Certes le "putsch du colonel fou", quel qu'ait été son but initial, a été utilisé par ceux qui menaçent d'une véritable prise du pouvoir par les militaires si les choses ne se passent pas comme le veulent les généraux. Le premier ministre actuel, Calvo Sotelo, a repousse une proposition que les socialistes entrent dans le gouvernement, en laissant entendre que l'armée serait mécontente. Le roi lui-méme est loin d'étre le dernier adepte de ce chantage politique, lui qui a declaré: "Les récents événements devraient servir de leçon" et qui a prévenu les dirigeants politiques qu'ils ne devraient pas compter sur lui la prochaine fois !

Inutile de le diré, il n'est pas question de la moindre purge des forces de l'armée et de la pólice. Au lieu de cela, les gardes civils non grades impliques dans la prise du Parlement seraient prochainement reintegrés dans leurs unités tandis que Tejero est autorisé á recevoir en prison des messages de sympathie et méme des visites.


La fin du "franquisme reformé"

Pourquoi la "démocratie" espagnole est-elle aussi désarmée devant la menace d'un coup d'Etat militaire? Parce qu'elle n'est pas véritablement une démocratie bourgeoise achevée, mais un régime semi-bonapartiste á facade parlementaíre. Louvoyant entre le Bunker franquiste et l ' “opposition democratique” , le régime de Suarez a essayé, gráce á la combinaison de mesures de pólice énergiques, de rhétorique "democratique" et de reformes sans conséquences, de contenir les masses tout en démantelant les structures corporatistes dépassées de l'ordre franquiste (le parti unique, les "syndicats verticaux").

Le franquisme n'était pas representé exclusivement par les phalangistes fanatiques ou encoré la réactionnaire Alliance Populaire dans ce régime, mais aussi par 1'Union du Centre Democratique de Suarez, prétendument centriste, composée de notables et de hauts fonctionnaires qui avaient simplement troqué leur chemise bleue phalangiste pour des habits plus respectables. Suarez lui-méme était l'ancien dirigeant du parti unique franquiste et avait gardé des liens étroits avec les caciques et l'Opus Dei clérical-réactionnaire.

Néanmoins, Suarez fut contraint de démissionner le 29 janvier, et ce, de facón claire, sous la pression des militaires qui l'accusaient de faire trop de concessions aux nationalistes basques. La question nationale a continuellement été un obstacle inamovible á la consolidation de l'Etat espagnol de l'aprés-Franco sur une base plus "moderne" . Face á la croissance explosive des mouvements nationalistes et régionalistes, Suarez ne pouvait offrir que les reformes les plus bidón, car les généraux franquistes n'auraient jamáis permis le "démembrement de l'Etat espagnol". Le contexte immédiat de la tentative de coup d'Etat était la gréve genérale du pays basque le 16 février, en réaction á l'assassinat par la pólice, trois jours auparavant, d'un militant de l'ETA.

En outre, la bourgeoisie espagnole n'avait pas reçu sa recompense pour la "démocratisation": l'admission dans la CEE. De plus, l'Espagne est plongée
dans une grave crise économique (avec %11 de chomeurs). On entend de plus en plus des mots d'ordre comme "avec Franco on vivait mieux", á mesure que l'inflation galopante et l'augmentation du nombre des faillites de petites entreprises provoquent une frénésie réactionnaire dans la petite-bourgeoisie. Le décor est monté pour un autre coup : la "démocratie" espagnole est dans l'impasse.
E.T.A: "Zuek erreformistak, zarete terroristak" 

Les humbles serviteurs du roi...

La situation actuelle, extrémement menaçante, provient surtout de la défaite des gréves politiques massives de la classe ouvriére et des manifestations qui rassemblérent á de nombreuses reprises des centaines de milliers de personnes dans les rúes contre la dictature. C ' est á cause de la coopération active des dirigeants réformistes traitres du prolétariat espagnol, qui ont tout á fait consciemment limité et saboté ces luttes en échange des assurances du roi au sujet de la "démocratie" . II est profondément ironique que les principaux traitres réformistes se soient trouvés parmi les otages, pris par ces mémes tueurs auxquels ils avaient assuré un nouveau sursis.

La presse bourgeoise s'émerveille de la passivité du prolétariat espagnol, méme dans le pays basque, et applaudit á l'unité nationale autour du roi. Mais le roi a été hué quand il a visité le pays basque. La gréve genérale du 16 février a été effective á 80-90% en Navarre [Nafarroa Garaia], tandis qu'á Bilbao [Bilbo], les masses dressaient des barricades et attaquaient les blindes de la garde civile . II ne fait pas de doute que les masses hésitent á entrer dans une guerre civile désarmées et désorganisées; la responsabilité de cette situation revient uniquement aux dirigeants traitres du PCE et du PSOE.

Immédiatement aprés le coup d'Etat, les Commissions ouvriéres (CO [CC.OO.] — dirigées par le PCE) et l'Union Genérale des Travailleurs (UGT — dirigée par le PSOE) ont appelé á une gréve de deux heures le 24 février sans manifestations. En Catalogne, les CO [CC.OO.] ont appelé á deux jours de gréve, mais elles ont reculé tout de suite. Le PC basque [sud] á appelé á la gréve genérale , mais sans les CCOO; l'UGT basque était carrément contre.

Les réformistes ont organisé massivement seulement pour les manifestations du 27 février — pour noyer le prolétariat dans un raz de maree pro-royaliste avec l'UCD et méme l'extreme droite !

Le PCE et le PSOE se précipitent, avec une servilité obscéne, pour assurer les généraux de leur soutien absolu dans la lutte "antiterroriste" . Carrillo a en outre declaré : "Autonomie oui, démembrement de l'Espagne non !", beuglant pour le "drapeau national" et contre la "prolifération de banderoles regionales" . Le "programme máximum" du PCE est un gouvernement PSOE/UCD, mais ni Carrillo ni Gonzalez ne réaliseront leurs désirs de collaboration de classes : l'armée ne veut pas d'eux.

Dans le temps le PCE appelait á une République, contre la monarchie franquiste. Mais l'essence du front populaire est la protection d'institutions bourgeoises clé, telles que l'armée ; le spectacle de militants du PCE criant "vive le roi" est certes écoeurant, mais un front populaire plus "gauche", comme celui dAllende, a également composé avec le corps des officiers, ouvrant la voie a une défaite sanglante.

 
...et leurs suivistes de l'"extreme gauche"

La Ligue Comnmuniste Révolutionnaire (LCR) , section españole du Secrétariat Unifié de Mandel et Cié, s'est présentée comme la véritable alternative aux partis réformistes et a une "extreme gauche" en pleine décomposition. Elle se pose en champion de la lutte pour les droits démocratiques contre l'appareil d'Etat hérité du franquisme. En réalité la LCR a suivi le convoi des réformistes en répandant des illusions sur la "démocratisation" de l'Etat franquiste.

Aujourd'hui, la LCR explique : "Tant qu'existera ce type d'appareil d'Etat, ce genre de menaces contre les libertés démocratiques existeront" (Rouge, 27 février-5 mars) . Mais aprés les élections de 1977, le Secrétariat Unifié proclamait triomphalement : "La bourgeoisie españole a été obligée de liquider pas á pas la dictature franquiste" (Inprecor, 23 juin 1977) !

La LCR a touché le fond du crétinisme parlementaire avec le communiqué infame de Barcelona, le 30 janvier 1977. Parmi les siñataires de cette déclaration front populiste se trouvaient des formations bourgeoises — 1'Esquerra Républicana , les carlistes et 1'Assemblée de Catalunya —et la plupart de 1'extreme gauche españole, y compris la LCR. Ce communiqué revendiquait "l'action immédiate contre les vrais responsables de la situation actuelle, c'est-á-dire les organisations fascistes et para-policiéres" . Cette supplication suicidaire a la protection de la pólice franquiste se terminait par un appel á l'"unité et la responsabilité de tout le peuple" . Aujourd'hui, cette position se retrouve dans 1'appel pour une "enquéte publique aboutissant a l'épuration et au chátiment des coupables, dissolution de la garde civile, épuration des fascistes de l'appareil d'Etat et emprisonnement de Milans del Bosch et de tous ses cómplices" (Rouge, 13-19 mars) . Ce qui est presenté comme un pr ojet pour la reforme de l' Etat franquiste.

Il semble que la LCR ait repris en plus le schéma des lambertistes (la LCR et les lambertistes españols avaient un cortége commun á la manifestation du 2 7 février avec le mot d'ordre : "l'Españe demain sera républicaine") qui consiste á appeler á toutes sortes d'actions militantes —méme la gréve genérale illimitée —, mais seulement dans le cadre d'un combat pour les revendications démocratiques. Des revendications comme 1'Assemblée constituante, l'autodétermination pour les minorités nationales, etc. sont certainement des armes puissantes pour mobiliser le prolétariat dans la lutte contre la réaction franquiste. Mais les séparer artificiellement de la lutte pour la prise du pouvoir par le prolétariat, établissant par-lá, de facto, une "étape démocratique" pour la révolution españole, comme le font les cen-tristes et les réformistes, est une trahison de la révolution socialiste. Le crime du POUM, durant la guerre civile españole, a été son refus de se battre pour construiré des soviets en dépit de toute sa rhétorique sur le front populaire. Et la LCR est méme á la droite du POUM !

Asturies 1934: Guardia Zibil errepublikarra meatzarien altxamendua zapaltzen

Un programme trotskyste pour l' Españe

Les travailleurs españols haissent la garde civile avec une passion et une amertume telles qu'elles pouvraient ouvrir les vannes de la révolution. Méme un groupe de propagande révolutionnaire d' une taille modeste aurait pu profiter de ce moment crucial de coup d'Etat d'avertissement, s'efforçant de mobiliser le prolétariat par centaines de milliers pour administrer son propre avertissement aux assassins franquistas . Une direction trotskyste aurait appelé á la gréve genérale pour déjouer le putsch; á la formation de milices ouvriéres de front unique basées sur les syndicats (et qui ne soient pas exclusivement les milices d'un parti) pour s'emparer des casernes et des convois de l'armée ; á des comités de soldats pour polariser l'armée ; á une marche sur les Cortes pour mettre en fuite les fascistes et les putschistes. Des comités prolétariens de défense établiraient le fondement de structures soviétiques qui pourraient balayer les institutions armées (épine dorsale du franquisme) , mobilisant pour la révolution ouvriére. Mais, en l'absence d'une telle action, il sera bien plus dur ne serait-ce que d' emprisonner les tortionnaires de la garde civile qui terrorisent la population basque et représentent une menace permanente pour la classe ouvriére dans son ensemble.

Rappelez-vous en 1921 le putsch de Kapp en Allemañe, oú la classe ouvriére s'est levée en masse pour barrer la route á un petit groupe de militaristes d'extréme droite, ouvrant ainsi la voie á une nouvelle crise révolutionnaire quelques mois plus tard. S'il y avait eu en Españe un tel déferlement en octobre 1934 (quand 1'extreme droite est entrée dans le cabinet) a la place d'une insurrection isolée dans les Asturies, le cours de l'histoire españole aurait été fort différent, et des centaines de milliers de vi}es de prolétaires auraient été éparñées. C 'est cet échec décisíf qui a frayé le chemin au franquisme.

Soyons vigilants! La réaction n'a fait que montrer les dents, mais elle peut encoré mordre ! La formation de milices ouvriéres est une tache d'autodéfense pressante pour le mouvement ouvrier español. II faut liquider la garde civile et toutes les pólices politiques bonapartistes spéciales. Ceci sera réalisé non par des monarques "démocratiques" ou des parlements impuissants, mais par le combat pour la révolution prolétarienne. LE BOLCHEVIK [+]
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